Dans MOOC, il y a M. M comme Collaboration

Le MOOC (Massive Open Online Course) ou CLOM (Cours en Ligne, Ouvert et Massif) propose une nouvelle modalité d’apprentissage. Si l’idée de mettre en ligne un cours est une pratique comprise, utilisée par de nombreux enseignants, soit parce qu’ils interviennent en ligne, soit parce qu’ils complètent un cours en présentiel par des ressources en ligne. La nouveauté des MOOC, est d’ouvrir non pas l’accès aux ressources, mais bien l’accès au groupe des personnes qui se réunissent à une séquence de cours, et donner ainsi l’accès aux échanges dans et autour du cours. Si l’idée d’ouvrir l’accès à son cours est facile à comprendre, les implications de cette ouverture intriguent plus d’un praticien. Le terme massif est clairement un faux ami, et peut être une source d’incompréhension.

Pour certains M pour Massif rime avec foule. Or la foule est vécue comme anonyme, vaguement hostile. Rien n’est moins vrai. La foule des inscrits à Facebook ne fait pas peur, car les personnes que vous apercevez sont vos ami(e)s, avec qui vous échangez, avec qui vous interagissez. Les autres internautes (pourtant si nombreux qu’ils échappent à toute représentation que l’on peut avoir d’une foule) restent cachés, sauf si vous cherchez à les rencontrer, si vous cherchez à partager sur un sujet qui vous intéresse, et quand ils apparaissent, c’est que vous avez déjà quelque chose en commun.

Dans un MOOC, c’est un peu la même chose, vous rencontrez des connaissances, vous échangez avec d’autres participants autour de sujets d’apprentissage, vous posez des questions ou y répondez, bref vous interagissez, vous collaborez.

Certains enseignants qui découvrent les MOOC s’inquiètent de la perte d’une relation privilégiée possible avec chacun de ses étudiants. Outre le fait que cette relation est certainement un mythe dès que la dimension de la cohorte augmente et nécessite d’utiliser un amphi, c’est plutôt une bonne nouvelle. Le MOOC permet en effet la mise en place d’une entraide au sein des participants. Ceux-ci gagnent une certaine autonomie, certains développent des pratiques d’aide qui leur permet de mieux maîtriser le sujet. Cela a d’ailleurs fasciné plus d’un enseignant de MOOC que de voir que lorsque se posaient des questions de fond, les réponses tombaient plus vite que lui-même aurait été capable de répondre, et pouvaient s’améliorer jusqu’à atteindre ou dépasser son niveau d’exigence. L’enseignant n’est plus l’aide pour chacun mais collabore avec la cohorte des participants pour lui permettre de construire les réponses, n’ayant plus qu’à surveiller (ou à partager la surveillance au sein de l’équipe pédagogique) la qualité des réponses, et éventuellement compléter sur certains points particulièrement difficiles.

Il faut donc comprendre que Massif signifie collaboration. Dans la conception initiale des MOOC issus des grandes universités américaines, c’est un effet de bord, mais c’est bien un des éléments qui font la richesse des MOOC.

Certains l’ont bien compris et cherchent à tirer avantage de ces interactions, en proposant des activités comme par exemple l’évaluation entre pairs, ou même cherchent à susciter ces échanges au travers de mécanismes d’incitation, de ludification, pour susciter les interactions.

Autre nouveauté, cette masse n’est pas uniforme, comme le suggère également le terme, mais bien multiple. Si l’enseignant pense d’abord étudiant, un MOOC attire également bien d’autres publics : futurs étudiants qui cherchent à découvrir un sujet qu’ils n’appréhendent pas complètement, anciens qui en profitent pour voir l’évolution d’un cours qu’ils ont connu par le passé. Mais aussi des professionnels qui ont besoin de se mettre à jour, d’intégrer de nouvelles connaissances pour aborder un nouveau projet, ou simplement des personnes curieuses de découvrir un nouveau domaine, ou passionnées par le sujet.

Le connectivisme, théorie proposée par Siemens et Downes, qui est à l’origine de MOOC très ouverts, ou le contenu du cours émerge des interactions du cours, propose une nouvelle manière d’apprendre avec le réseau basée sur ces échanges. Apprendre est alors une expérience personnelle qui correspond à un parcours des connaissances, qui sont intrinsèquement abondantes sur les réseaux, et à des échanges avec les autres apprenants et les personnes intéressées par le sujet du cours. C’est d’ailleurs dans un cours proposant d’explorer cette nouvelle manière d’apprendre que le terme de MOOC a été proposé par David Cormier. Impressionné par le nombre de participantes (plus de 2000) il a proposé cet acronyme.

Il aurait pu/dû proposer COOC, pour Collaborative Open Online Course, sachant que le terme connectivisme n’était et n’est toujours pas assez partagé pour pouvoir faire écho pour dénommer le phénomène. Un tel cours est ainsi une rencontre entre participants autour d’un sujet, qui se constitue un corpus partagé de connaissances, qui développe ses pratiques propres, et une vision commune émergente. Un tel cours est donc bien constitutif d’une communauté d’apprentissage, on pourrait parler de COOC pour Community Open Online Course.

Au delà de la collaboration entre participants, on voit également se développer d’autres collaborations entre les parties prenantes d’un tel cours.

Ainsi, il est illusoire de vouloir développer un tel cours seul, ne serait-ce que parce qu’il est important d’apporter des éclairages complémentaires sur le sujet, ou que parce que la charge de travail et d’animation est plus importante qu’un cours normal. Il est donc indispensable de constituer une équipe enseignante, ou d’animation pour monter un tel cours. On note également un certain nombre de MOOC qui font l’objet d’une collaboration entre enseignants d’établissements différents. Il est à espérer que cela va contribuer à constituer des communautés d’enseignants. Par ailleurs, cette équipe veillera à développer des modes coopératifs avec les participants pour que la communauté puisse se développer.

De même, le collectif des chercheurs autour des questions des MOOC a bien compris que la meilleure manière pour pouvoir tester une hypothèse, essayer une nouvelle modalité et obtenir des données pertinentes, était de collaborer à la conception même d’un MOOC, en bonne intelligence avec l’équipe pédagogique. Alain Mille parle ici de « Design Oriented Research ».

Ainsi, bien plus que de masse, il faut bien parler de collaboration entre tous les acteurs d’un MOOC : enseignants, animateurs, participants, qu’ils soient étudiants, futurs étudiants ou déjà diplômés, chercheurs, et établissements. Massif est bien ici l’avènement d’un phénomène social dans les cours.  Et c’est en intégrant cette dimension que l’on pourra développer des cours innovants et de qualité.

Crédit photo : Emportée par la foule par Discretos – licence CC-by-NC-ND

12 Réponses to “Dans MOOC, il y a M. M comme Collaboration”

  1. jackdub Says:

    Bonjour Jean-Marie,
    SI on s’appuie sur la vision de JM Cornu, plus on est nombreux, plus il y a de proactifs et réactifs qui font vivre la collaboration. Les deux aspects sont donc effectivement liés et c’est bien cette collaboration qui est recherchée et non pas le nombre pour le nombre. C’est à mon avis important de mettre en avant que le côté massif n’est qu’un moyen pour atteindre une collaboration riche.
    Bonne continuation,
    Jacques

  2. capitole Says:

    Bonjour Jean Marie, ton billet sur l’aspect participatif au sein des groupes. est très intéressant. En effet, ce n’est pas le nombre de personnes qui compte, mais la coordination de l’ensemble. Il faut réussir à faire converger les intérêts vers un objectif commun, et c’est là la vraie difficulté à surmonter.

  3. Les MOOCs, nouveau graal ? | Le numérique pour changer l'École Says:

    […] : rapport aux savoirs, aux compétences, aux rôles à jouer…» Pour compléter, voir le blog de Jean-Marie Gilliot et, sur le blog Forum TIC Education, l’article de Marcel Lebrun, « De qui se mooc-t-on ? […]

  4. Tru Dô-Khac Says:

    (6ième alinea) « Certains (…) cherchent à tirer avantage de ces interactions (…), à [les] susciter au travers de mécanismes d’évaluation, d’incitation, de ludification »

    Puisque l’on est dans les acronymes avec COOC, que diriez-vous d’une recette de MOOC au nom de MOSG « Massive Online Serious Game » ?
    Sur Le Cercle Les Echos « En attendant les Massive Open Serious Games » ,

    • Jean-Marie Gilliot Says:

      J’avoue que la déclinaison autour de l’acronyme initial m’embête quelque peu, mais bon.
      Coté jeu, on sait depuis longtemps que le coté massif fait sens. les MMORPG sont légions. Jusqu’à présent, dans les Serious Games, il était difficile d’intégrer un apprentissage à plusieurs. Si l’on trouve une recette qui couple modalité d’apprentissage, avec le gameplay correspondant, on aura effectivement un nouveau champ passionnant devant nous, quelque soit l’acronyme utilisé 🙂

      • Tru Dô-Khac Says:

        Pour ceux qui nous lisent : « MMORPG » massively multiplayer online role-playing game

        « Jusqu’à présent, il était difficile d’intégrer un apprentissage à plusieurs ».
        Voulez-vous dire, il « est » difficile ?

      • Jean-Marie Gilliot Says:

        Si bien sûr, l’utilisation de l’imparfait est juste une précaution. Je n’ai pas vérifié dernièrement le sujet des serious games.

  5. Boris Says:

    Bonjour,

    Votre article est très intéressant. Je souhaiterais ajouter un point concernant l’aspect collaboratif, le fameux « Massive ». Avec l’arrivée des TIC, l’information et la connaissance se sont très largement répandues et sont devenues accessibles facilement et par tous sur Internet. Toutefois, ce savoir est morcelé et disséminé au fil des liens et des pages web. Cette évolution transforme le rapport au savoir, puisque l’enseignant, ou l’équipe enseignante, n’est plus le seul à détenir la connaissance et à la dispenser à ses apprenants : tous disposent de brides de connaissance incomplètes.

    De mon point de vue, le rôle du collaboratif est alors de rassembler ce savoir en un point central et de le structurer. L’intelligence collective permet d’effectuer ce travail de la meilleure des façons. Le rôle du formateur devient alors l’animation de cette communauté qui, comme vous l’avez très bien dit, prend un temps considérable.

    Boris.

    • Jean-Marie Gilliot Says:

      Plutôt d’accord avec cette réflexion, Boris.
      Sauf qu’à mon avis le point central n’est pas le savoir mais la rencontre, l’événement déclencheur de ce processus d’intelligence collective

  6. Claire Says:

    Bonjour Jean-Marie,

    Merci pour cet article. Oui, sans aucun doute, l’avenir est à la mutualisation des connaissances et des apports quels qu’ils soient qui peuvent nous amener à des actions plus justes. Bref, à la coopération.

    Claire

  7. Table ronde sur les MOOCs de Polytechnique | X Open Innovation Says:

    […] Dans MOOC, il y a M. M comme Collaboration, Jean-Marie Gilliot, 18 novembre 2013 […]


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