Un horizon à 5 ans pour l’enseignement supérieur

à partir du Horizon Report 2015

Educause est une association américaine qui cherche à alimenter une vision prospective de l’enseignement supérieur. Elle produit notamment en association avec NMC une série d’“Horizon Reports” sur différentes facettes de l’enseignement au sens large (y sont inclus les bibliothèques et les musées ce qui en soi est une bonne chose). Je viens de lire avec intérêt mais difficulté le rapport sur l’enseignement supérieur.

Intérêt, car le dossier est très documenté et s’appuie sur une large base d’informations et sur un travail d’expertise semble-t-il très collaboratif, qui permet de faire émerger des éléments clés. Intérêt car il met en évidence une évolution réelle des questionnements dans ce type de document autour de l’innovation dans l’enseignement supérieur.

Difficulté par contre, car la manière de présenter enjeux, tendances et développements technologiques selon des axes temporels ou de niveau de compréhension, cachent de mon point de vue des axes structurants autour de l’évolution de l’enseignement supérieur. Par ailleurs, leurs éléments en voulant devenir trop large me paraissent mélanger différentes dimensions, mais cela est peut être nécessaire pour combiner des avis d’experts venant d’horizons différents.

Le rapport est ainsi structuré autour de challenges “solubles”, “difficiles” ou “mal compris”. En “soluble”, on trouve l’association de l’apprentissage formel et informel et l’amélioration de la littératie numérique. Considérés comme difficile les modèles d’éducation alternatifs et l’apprentissage personnalisé et finalement comme “mal compris” l’équilibre entre vie connectée et déconnectée d’une part et l’enjeu de maintenir la pertinence de l’éducation.

Six tendances sont à impact à long terme (5 ans ou plus) , moyen terme (3 à 5 ans) ou court terme (1 à 2 ans). A long terme, on voit aussi bien le développement d’une culture de l’innovation que la nécessité de repenser comment les institutions fonctionnent. À moyen terme, on retrouve les idées de repenser les espaces d’apprentissage et la bascule vers des approches qui encouragent l’approfondissement de l’apprentissage. À court terme, l’accent sur la mesure de l’apprentissage et le développement de l’apprentissage mixte (numérique et présentiel) sont mis en avant.

Et pour finir, six développements technologiques sont mis à l’honneur. A court terme le BYOD, et regroupés l’analyse des données d’apprentissage et l’apprentissage adaptatif (learning analytics and adaptive learning), à moyen terme Réalité augmentée et virtuelle, makerspaces, et à long terme informatique affective et robotique.

De fait, à mon avis on perd de vue une autre grille de lecture, que j’organise selon 4 axes. L’évolution de la demande aux institutions, les innovations pédagogiques, le développement d’une infrastructure numérique, et l’organisation des institutions. Cela peut se décliner de la manière suivante :

  1. L’évolution des objectifs globaux de la formation, tant il est vrai que la culture de l’innovation ou le développement robotique changent les équilibres des formations, en mettant en avant des démarches plus créatives et l’intégration de démarches interdisciplinaires pour résoudre les problèmes complexes ;
  2. La volonté de proposer des enseignements qui engagent les étudiants : pédagogies actives, par projet, par controverse … Les ressorts qui alimentent cette volonté sont nombreux et se traduisent aujourd’hui le développement de dispositifs d’apprentissage mixte (en intégrant des ressources numériques, en proposant des dispositifs de classe inversée, en intégrant les médias sociaux …) et questionnent une meilleure reconnaissance des apprentissages extérieurs à l’institution.le développement des données en éducation.
  3. Les learning analytics ou “analyse des données d’apprentissage” font le buzz, tant la promesse d’aider à la fois l’étudiant, l’enseignant et l’institution est large. Coté étudiant, un système permettant de personnaliser l’apprentissage en comprenant mieux les mécanismes d’apprentissage, et en proposant médiation et conseil semble à nouveau à portée de main. Je dis “à nouveau” car c’est une vieille promesse de l’intelligence artificielle, souvent remise en avant, mais dont les applications sont restées jusqu’à présent limitées à des contextes particuliers. Les dernières avancées de la recherche permettent d’espérer des percées significatives, mais leur développement ne se fera pas d’ici un an. En attendant, le développement d’indicateurs va certainement être source de nombreuses discussions.

Ces trois points se renforcent mutuellement dans la remise en question de ce qu’est un curriculum, qui doit s’ouvrir pour permettre le choix, l’adaptation, que ce soit pour encourager créativité et interdisciplinarité, pour maintenir la motivation, pour prendre en compte les apprentissages extérieurs, ou pour permettre une personnalisation de l’apprentissage en fonction de facteurs d’efficacité. Dans un contexte d’apprentissage plus ouvert et de ressources abondantes, la notion de curriculum risque fort d’éclater. C’est un point implicite, mais auquel il me paraît important de donner toute sa place.

Derrière ces évolutions, se posent plusieurs questions ou challenges, que ce soit l’évolution du personnel, corps professoral en tête, ou l’équilibre entre apprentissage formel et informel, connecté et déconnecté. Cette dernière préoccupation est renforcée par les questions autour de l’éthique des données d’apprentissage.

Changement dans les objectifs globaux, éclatement de la notion de curriculum, pilotage par les données renforcé, induisent le quatrième élément de ma grille de lecture :

  1. L’évolution de l’organisation des institutions d’enseignement. Le rapport met bien en avant le fait que des nouvelles offres de formation apparaissent, que ce soient des formations d’excellence comme Minerva, des formations dédiés aux métiers techniques (informatique en tête), ou le développement d’une offre en ligne. Notons que ces offres sont souvent portées par des nouveaux acteurs ou des outsiders de l’enseignement supérieur.
    Plus pragmatique dans les institutions, la tendance est effectivement à revisiter les espaces d’apprentissage, ce qui intègre au niveau technologique effectivement d’intégrer une démarche BYOD (tant pour des questions d’évolution des usages plus systématique de la technologie, que pour mieux entrelacer apprentissage formel et informel), et de développer des Makerspace, pour encourager une culture du Do-It-Yourself en phase avec la culture d’innovation actuelle.
    Au final, a minima se pose la question de l’évolution des modes de fonctionnement des institutions actuelles, a maxima la place de l’éducation dans notre société.

Ma difficulté vient également sans doute que la priorité des enjeux, ou la temporalité des tendances n’est sans doute pas la même dans une école d’ingénieurs comme Télécom Bretagne, sans doute globalement en France.

En bonus, une infogrkeyissues2016_finalaphie de Educause mettant en avant les points clés pour 2016. (licence CC-by-NC-ND)

L’ambition de LinkedIn dans le monde de la formation

LinkedIn est LE réseau social professionnel international qui permet à chacun de gérer et publier son CV, ses formations, ses diplômes et ses certificats (notamment obtenus en suivant des formations comme des MOOC), son carnet d’adresse public, son expérience professionnelle, ses productions, mais aussi de recommander ses pairs, d’échanger sur tout sujet, … Il est devenu incontournable d’y figurer dans nombre de domaines. Ainsi, il est inimaginable pour un jeune ingénieur aujourd’hui de ne pas avoir un CV en ligne, et peu courant que celui-ci ne soit pas sur LinkedIn. Pour pouvoir évoluer ceux-ci maintiendront naturellement à jour les informations qui les concernent permettant à LinkedIn de disposer de données précieuses sur le marché professionnel.

Les associations d’anciens de nos écoles ont besoin de maintenir le contact entre les diplômés d’un établissement supérieur. Comme LinkedIn est perçu avec raison comme un réseau social professionnel, il est naturel d’utiliser ce réseau comme vecteur principal des échanges numérique de ces associations (via des groupes, des forums …). J’en connais au moins 2 exemples…

Pour les écoles professionnelles, LinkedIn est d’ailleurs un outil précieux d’informations sur l’évolution des métiers. Il contribue ainsi à permettre aux établissements à définir leurs formations.

LinkedIn devient ainsi un partenaire incontournable des établissements de la filière de l’éducation professionnelle. Il permet aux diplômés de trouver du travail, de rester en contact, d’obtenir des informations sur l’évolution de leurs métiers. Ces impacts positifs permettent à cette entreprise de développer une relation forte avec les professionnels en tant qu’utilisateurs de formations.

Il en profite évidemment pour développer une connaissance fine de l’évolution des métiers, des parcours, des domaines privilégiés des différents établissements et du corps social de leurs anciens. Il est raisonnable de penser que LinkedIn connaît mieux le réseau des anciens, ses aspirations, son mode d’évolution que les établissements d’enseignement eux-mêmes.

Au niveau des MOOC, il n’est pas rare de voir apparaître un groupe LinkedIn pour permettre à la communauté de survivre à la fermeture du cours. LinkedIn est donc quelque part le dépositaire potentiel de ce qui fait la valeur ajoutée des MOOC : leurs communautés qui ne sont pas gérées dans les plate-formes de cours.

Ce qui permet à cette entreprise de développer nombre de services sur lesquels les établissements n’ont pas de contrôle et dont ils peuvent devenir dépendants.

Dit autrement quelle position LinkedIn ambitionne-t-elle par rapport au domaine de la formation ? Être un panneau d’affichage de diplômes et autres certificat doublé d’un simple relais des discussions entre anciens n’est certainement pas à la hauteur d’une des entreprises du numérique. Par contre, devenir le moteur de recommandation des formations semble plus prometteur.

Premier niveau de service, le classement des universités en fonction des métiers rêvés. Celui-ci ne fonctionne pour l’instant que pour 3 pays anglo-saxons (USA, Royaume Uni et Canada), mais on imagine que ce classement pourrait avoir un impact plus important que celui qui établit les hiérarchies entre écoles et qui sont actuellement publiés annuellement dans les journaux. Et on peut s’attendre à le même type de débats que ceux qui ont tourné autour de l’algorithme PageRank de Google.

Le second niveau de service concerne plutôt la formation professionnelle, Graal des établissements d’enseignement du supérieur qui y voient un potentiel de recettes. Il s’agît de la recommandation de formations pour pouvoir évoluer dans sa carrière professionnelle. Un des objectifs de LinkedIn est de pouvoir relier les personnes, les offres d’emploi avec les compétences nécessaires pour les exercer et les formation proposées permettant de les acquérir. LinkedIn pourra ainsi recommander les différentes formations professionnelles proposées aux internautes pour évoluer et obtenir le job de leur rêve.

Quelles seront les formes de formation mises en avant par de telles recommandations ? S’agira-t-il de formations présentielles ou en ligne ? Clairement, les formes plus souples seront sans doute privilégiées. Est ce que ce seront les MOOC proposés par les universités, ceux proposés par les entreprises ? Ou d’autres formes de cours en ligne plus en phase avec les besoins des professionnels en recherche d’évolution de métier ? C’est en tout cas une tendance identifiée de la formation tout au long de la vie, du moins dans sa perspective professionnelle, liée à une évolution constante du marché du travail. Et cela risque de devenir une pression du marché sur les établissements de l’enseignement supérieur qui voudront être présents dans le domaine de la formation professionnelle. Mais les services de formation continue des universités sont-ils prêts face à une évolution de ce type ? Auront-ils l’agilité pour suivre les évolutions à venir, pour aller vers les clients potentiels ? Vu leurs performances actuelles, on peut légitimement en douter.

Dans une telle offre numérique et ouverte, quelles seront les formes donc d’offres de formation qui seront retenues par les utilisateurs et promues par les services des Ressources Humaines ? Rien n’est dit mais il y a clairement une multiplicité de l’offre, dont les MOOC ne sont qu’un exemple.

Ce qui m’importe plus ici est de me poser la question de la concurrence qui existera au niveau de l’offre. Si on peut penser que les établissements de formation continue classique sauront répondre à la demande, il faut sans doute surtout s’intéresser au nouveaux entrants issus du monde numérique, et ils sont nombreux. Citons en simplement deux qui sont particulièrement notables.

  • Le premier est OpenClassrooms, petite entreprise française qui vient de dépasser le million de membres inscrits, et qui a décroché l’accès direct aux demandeurs d’emploi, ce qui devrait lui permettre d’élargir sa base utilisateurs. Quand on voit que dans le même temps le Ministère de l’enseignement supérieur passe un protocole d’accord avec OPCALIM, on peut s’étonner de la différence d’agilité, et s’interroger sur l’évolution opérationnelle des deux offres.
  • Le second est tout simplement LinkedIn, du moins au travers un de ses rachats récents, la plateforme de cours Lynda. LinkedIn ne se positionne donc pas simplement comme outil de recommandation, mais aussi comme offreur de formations. Le couplage des deux services lui donne indéniablement un avantage par rapport aux établissements traditionnels. Et quand on compare les moyens mis en œuvre, 1,5 milliards de dollars pour ce rachat, face aux 12 millions d’euros pour le plan d’investissement d’avenir (PIA) Idefi-N visant à faire évoluer l’offre de formation universitaire en ligne, on peut s’inquiéter de qui a l’initiative sur l’évolution des formations. D’autant que les délais de mise en œuvre du PIA se comptent en années, une année quasi complète pour simplement le processus de sélection…

Clairement, le tsunami numérique prédit par Emmanuel Davidenkoff progresse et concerne également l’enseignement supérieur. LinkedIn vise à être un élément central dans ces bouleversements. Ce n’est pas le seul acteur, mais sa feuille de route est explicite, les moyens disponibles impressionnants, et ce sans questionnement partisan sur la réforme du système.

Crédits photos : My LinkedIn Connections par Michael Korcuska licence CC-by-sa et LinkedIn Centipede Participants in the 2010 ING Bay to Breakers par A Name Like Shields Can Make You Defensive licence CC-by

Données personnelles en éducation

Belle présentation hier à la cantine numérique de Brest, Benjamin André est venu nous présenter la solution de cloud personnel CozyCloud qui permet donc d’héberger soi même ses données personnelles, de le gérer et de les faire interagir entre elles hors des silos de données que sont les grands opérateurs du Web. Cela permet à la fois de reprendre le contrôle sur ses données, de les partager avec des applications tierces, et d’imaginer de nouvelles applications innovantes. Bref, une approche qui revitalise l’innovation, qui redonne confiance sur le devenir des données personnelles tout en permettant d’éviter l’amoncellement de données dans des serveurs centralisés.

D’après Benjamin, cela donne une opportunité aux secteurs du pré-numérique pour pouvoir réagir à la transition numérique qui les menace (voir l’excellente synthèse de Nicolas Colin : les 5 étapes du déni). Or quelque part l’éducation est un de ces secteurs du pré-numérique, qui a dans tous les cas bien besoin de se réformer. Si on adoptait donc le point de vue que les données d’un élève, d’un étudiant, sont des données personnelles.

Aujourd’hui, tout comme notre relevé bancaire est stocké dans notre banque, un relevé de notes est stocké dans notre établissement. Le cloud personnel permet de disposer en propre dans son espace des données bancaires, pas encore des données d’apprentissage. Dommage, ce serait pourtant bien pratique. Un premier exemple d’application pourrait ainsi être le dépôt de dossiers de candidatures. La solution APB (le logiciel que les bacheliers doivent affronter pour déposer leurs vœux de formation) montre bien qu’une solution centralisée ne permet pas d’éviter nombre de photocopies (papier) pour répondre aux besoins variés des différents établissements, sans parler de si vous voulez partir à l’étranger.

Dans la même veine, les open-badges que Mozilla propose sont évidemment certifiés par des établissements, mais il est indispensable d’en conserver la liste quelque part. Un espace de données personnelles est bien l’espace de dépôt naturel. Là aussi ces badges ont été développés pour permettre de dépasser les frontières entre différents opérateurs et différents pays.

Pour conclure sur ces données personnelles que sont les preuves d’apprentissage, il serait naturel que le portfolio d’une personne puisse être hébergée, contrôlée et mise à jour facilement par cette personne, ce qui n’empêcherait pas d’en publier une image sur les réseaux sociaux professionnels. Le portfolio, c’est à la fois la récolte des traces d’apprentissage, la construction de son parcours et la publication vers des tiers (futurs employeurs principalement). Bref un outil pour la construction de son projet professionnel et de vie. Les solutions proposées jusqu’ici pour développer ces eportfolios souffraient de cette question d’hébergement et de contrôle personnel, et étaient trop locales face à des grands réseaux comme linkedIn ou Viadéo.

Autre axe, l’accès aux ressources et aux activités d’apprentissage. Pourquoi ne pas imaginer que le plan de travail, les ressources soient accessibles dans un espace personnel, et que la progression soit considérée comme étant une trace personnelle. Évidemment certaines données seront rendues partagées pour permettre les interactions et l’évaluation, mais bien selon les objectifs de l’apprenant. Cela permettrait de gérer au mieux, à la fois son accès à des ressources d’apprentissage (et notamment la conservation révision), et d’envisager de gérer de manière responsable son parcours d’apprentissage.

Dernier point à examiner, l’aspect analyse de données d’apprentissage (learning-analytics). L’approche de cloud personnel permet(tra) d’éviter les regroupements massifs de données pour cette analyse (comme c’est le cas dans le cadre du Big Data actuel). Cela permettrait éventuellement de simplifier l’éthique de la gestion des données, qui on le voit bien oblige à développer un contexte juridique complexe et limitatif pour faire quoique ce soit (c’est d’ailleurs un des lots du projet Hubble, qui vise à développer un observatoire sur les analyses de traces d’apprentissage). Ce qui est bien entendu légitime, mais est de fait également un handicap face aux entreprises du numérique qui gèrent ces données de manière opaque, sans être encadrées de la même manière. De plus, cela permettrait d’envisager des croisements de données impossibles aujourd’hui puisque celles-ci sont cloisonnées entre cours différents.

Bref, un cloud personnel semble un excellent support pour concevoir un environnement d’apprentissage personnel nouvelle génération. Qui permettrait d’engager les apprenants dans leurs apprentissages, et de mieux les connaître.

Crédit photo : @natashakenny et al: #TLI2012 Curriculum Planning, ePortfolios & More. Evidencing Learning outcomes par Giulla Forsythe licence CC-by-nc-sa

Les MOOC au cœur du tsunami numérique

En ce début d’avril, Emmanuel Davidenkoff nous propose un nouveau livre au titre évocateur « le tsunami numérique ». Il se fait le témoin de nombreux changements en cours, de signaux que le monde numérique investit l’éducation. Cela l’amène à nous annoncer que le passage au numérique de l’école, de l’éducation va amener à une refonte totale des systèmes de formation. Tout comme le numérique a largement bouleversé l’industrie de la musique et du cinéma, du journalisme, de l’information, l’éducation va connaître sa révolution.

Les acteurs sont tous en place et ont déjà démarré : les entreprises de la Silicon Valley qui s’intéressent de très près au sujet, les startups qui cherchent des offres de valeur en rupture, les grandes marques de la formation qui cherchent à étendre leur influence, la demande de la société qui constate que la formation n’est plus en adéquation avec les besoins du XXIème siècle, les utilisateurs (élèves, étudiants, employés, parents, professeurs) qui ne se satisfont plus de la structure actuelle, les institutions qui veulent répondre aux nouveaux besoins, être plus efficaces, et diminuer leurs coûts …

Les MOOC sont au cœur de la démonstration d’Emmanuel Davidenkoff, qui leur consacre un chapitre entier. En effet, si les MOOC sont une réponse institutionnelle à un besoin qui existe depuis longtemps (ce n’est pas de moi, mais je ne retrouve plus la source), ces nouveaux dispositifs posent bien des questions aux institutions (quels cours, quelle place dans les formations, quelles certifications … ). Mais ils débordent largement le cadre de la formation initiale et impactent nombre d’autres missions de la formation (recrutement, harmonisation, formation continue, validation des acquis de l’expérience, université ouverte ou de tous les savoirs, notamment).

Et surtout, ils sont repris, retravaillés, hackés par les entreprises, les professionnels, les amateurs, les curieux. C’est bien au delà du périmètre de la formation initiale qu’on voit aujourd’hui se presser nombre d’entreprises qui cherchent à exploiter cette nouvelle approche de la formation. Les MOOC concentrent l’intérêt de tous et constituent une vraie rupture par rapport aux publics visés, et sur l’impact pressenti dans les formations.

Emmanuel Davidenkoff se concentre sur la difficulté – l’impossibilité ? – qu’a l’institution de se réformer par elle même. Plaidoyer pour que l’innovation devienne possible dans la formation, on comprend à le lire qu’il faudrait d’abord reconstruire la confiance au sein de l’institution, tenir le débat public  et avoir une vision et un courage politique qui n’a pas encore émergé. Il n’ignore pas que la dimension pédagogique prime sur la forme numérique, et montre bien qu’il faut laisser de la liberté aux acteurs dans une démarche d’innovation continue.

Par ce choix néanmoins, il laisse de coté tout le volet de la formation tout au long de la vie qui est pourtant aussi une des grandes promesses du passage au numérique de la formation et de son ouverture. Ce qui laisse de l’espace pour d’autres livres.

Les journalistes aiment bien les faits, et Emmanuel Davidenkoff est un journaliste reconnu de la sphère éducative. Son dernier livre fourmille donc de faits, d’événements, de création de nouvelles startup dans le domaine de la formation. Et c’est à ce titre qu’il nous dresse un impressionnant panorama des « signaux faibles » qui annoncent un « tsunami numérique dans l’éducation ». Son constat est d’ores et déjà connu et partagé outre atlantique, par exemple par la présidente Diana Oblinger de l’association Educause. Mais c’est bien la première fois qu’il est rédigé en français avec force détails et implication sur notre système de formation.

Cette conviction que l’éducation va être réformée est touchée par le numérique est déjà partagée par un certain nombre d’acteurs. Certains l’ont écrit dans des chroniques sans doute trop peu lues. Mais dans certains milieux on raisonne sur cette hypothèse, comme par exemple lors de l’assemblée générale de Pasc@line durant laquelle autour d’une table ronde sur « une approche pragmatique des MOOC », nombre de directeurs d’école échangeaient sur leur conviction que leur structure allait être profondément impactée par cette transformation numérique dans les formations. 

Crédit photo : « Saint Guénolé » par Sigalou licence CC-by-nd

MOOC – un écosystème

Depuis longtemps, on sent l’intérêt des entreprises pour les MOOC. Vus par certaines comme un outil à disposition de leurs formations propres, ou pour les formations de leurs clients, de leurs prospects. Vus par d’autres comme un outil de recrutement pour détecter des candidats potentiels.

Mais surtout, l’écosystème des MOOC se dote d’entreprises qui identifient ces dispositifs comme vecteur de développement, soit comme nouveau débouché pour des services existants, soit comme débouché principal en cherchant à capter la valeur que l’on attache aux MOOC : diffusion de connaissance, certification, produits dérivés …

Je me suis fait un diaporama pour me clarifier cela. J’avais prévu de le présenter à l’occasion d’une réunion « Open Coffee » à Morlaix le 27 février, mais je vais sans doute me le réserver pour une autre occasion. Il parait en effet trop typé par rapport au public prévu.

 

MOOC une innovation de rupture ? point de vue économique

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À chacun son modèle économique

Pour beaucoup, le numérique c’est d’abord une question d’économie. Pour pouvoir être innovant, il faut pouvoir vivre de son innovation. La question de définir un modèle économique viable est alors stratégique. C’est pourquoi j’ai beaucoup aprécié les 2 présentations auxquelles j’ai assisté à l’Open Coffee à Brest le 19 septembre dernier.

Peter Keates a été très convaincant sur comment construire un modèle économique innovant et l’outil business model canvas qui permet d’explorer les différentes options pour un service à construire.

Certainement un outil à exploiter dans les startup week-ends et dans les incubateurs.

Le témoignage de Michel Nizon (Edulang, Morlaix) était une parfaite illustration d’un modèle économique innovant pour une petite entreprise bretonne, qui en faisant preuve de courage, puisqu’elle a complètement changé son modèle économique, peut aborder le marché mondial. Les deux éléments que j’ai retenu : faire appel à la communauté (ici des profs de langue) pour faire sa publicité, et proposer un modèle de paiement avec ticket minimal, pouvant être augmenté au choix de l’acheteur. Modèle non viable en France, mais qui est possible dès qu’on ouvre au-delà de la France, il fallait l’oser depuis Morlaix, et ça semble marcher.

Ce qui m’interpelle à chaque fois que l’on parle de ces modèles économiques, c’est que ces choix modifient complètement l’architecture technique. Deux leçons donc, les ingénieurs doivent intégrer ces contraintes pour proposer des solutions performantes, et ils doivent intégrer la nécessité de proposer des solutions qui pourront s’adapter à des changements de modèles.

Merci à l’AFEIT et au Technopôle Brest-Iroise d’organiser ces rencontres enrichissantes, qui permettent de nous croiser entre acteurs du web d’horizons variés.

 

Crédit photo : Mobile Monday Amsterdam Business Model Canvas par marcfonteijn – licence CC-by-nc-sa

Opportunité pour la motivation et pour la formation tout au long de la vie : les badges ouverts

Jusqu’à présent, on pouvait gagner des badges dans un jeu, sur un site précis, pour le fun ou pour la gagne. Et puis, si on voulait faire quelque chose d’équivalent ailleurs, il ne nous restait plus qu’à recommencer.

Moins facile à obtenir, un diplôme ou un certificat, donne droit à un document unique, dont il est difficile (voire impossible) d’obtenir une copie. Pour pouvoir démarrer, il est nécessaire de passer par une évaluation des diplômes précédents. Pour obtenir des crédits dans une autre université, il est nécessaire de faire valider son parcours par son université d’origine.

Ensuite, la validation des connaissances ultérieures s’avère compliquée, et la formation tout au long de la vie (FTLV) pourtant affirmée comme indispensable dans le cadre d’un rallongement des carrières, passe souvent par un processus complexe.

Aucun rapport entre tout cela ? Et pourtant, il s’agit bien de valider par un organisme extérieur l’acquisition de connaissances, voire de compétences et de pouvoir les valoriser auprès de tiers pour continuer Son parcours propre (et librement choisi).

Pour faciliter cette construction, pour permettre à chaque institution, à chaque site de proposer des badges (cela recouvre aussi bien un passage de niveau dans un jeu, qu’un niveau d’acquisition de connaissances sur un site didactique, qu’une UV ou un diplôme dans une université prestigieuse), la fondation Mozilla propose Open Badges, une infrastructure complète, ouverte et décentralisée permettant aux institutions et aux sites de délivrer des badges et de les valider, aux personnes de les accumuler, et de les afficher.

On voit bien l’intérêt pour permettre aux personnes de se construire des courses au trésor de badges, facteur de motivation reconnu auprès des jeunes. L’aspect ludique, validation d’acquisition avec des retours tangibles est une option intéressante pour outiller l’évaluation formative et la ludifier. En tout cas dans le domaine de l’apprentissage de la programmations cela marche, avec 500 000 inscrits en un mois à la Codacademy. C’est un facteur de motivation étonnant pour nos jeunes.

De manière plus professionnelle pour permettre de développer ses compétences tout au long de la vie, l’idée est également séduisante. Une telle infrastructure doit permettre à chacun de valoriser des parcours plus personnels, et de les justifier auprès d’employeurs potentiels. Cela devrait permettre à terme d’ouvrir les curriculums pour plus de flexibilité, de faciliter les équivalences internationales, et de permettre de valider simplement les acquis.

On peut également imaginer des sites de validation et de certification indépendants. Smarterer en est un prototype, en permettant des valider des connaissances d’outils du Web qui peuvent intéresser des entreprises (en tout cas, c’est leur discours: « show what you know »). La question de la reconnaissance sera centrale, dès les effets de mode et d’essai passés.

J’avoue que l’idée de mélanger médailles de jeu, et diplômes dans le même pot commun m’a fait tout drôle et en suivant les différents liens sur les OpenBadges, j’ai parfois eu l’impression de tomber sur des jeux (sérieux;-) ) pour gamins. Mais après tout pourquoi pas, le Web regorge de systèmes où l’on trouve de tout, les croisements permettant d’ouvrir de nouvelles opportunités.

Bien entendu, cela n’empêchera pas de construire des portfolios, pour valoriser des expériences plus personnelles, et professionnelles, tout en mettant de l’humain dans le système.

Si vous êtes tentés, il est d’ores et déjà possible de délivrer des badges (voir : Open Badges: Want to Make Your Own Badges by Hand? Here’s How). Les pin’s numériques vont ils devenir à la mode ? Quand on voit le succès des twibbons affichés pour toute sorte de cause, on peut le penser. Surtout si ces insignes font sens.

Un vraie opportunité pour soutenir la motivation, une solution ouverte pour la certification tout au long de la vie, un moyen pour les institutions de se faire reconnaître. Une bonne solution technologique qui peut devenir une cause à soutenir.

Crédits photos :

Techlaration badge par Lucius Kwok – licence CC-by-sa

Badges & pins par david roessli – licence CC-by-nc-sa

une question américaine : comment faire de l’argent avec des MOOCs?

Cet article vient de sortir et fait le buzz : Comment faire de l’argent avec les MOOCs ? Typique du fait que les universités et le domaine de l’enseignement supérieur sont là bas des entités à but lucratif. On n’en est pas là en France, comme le rappelle Thot Cursus.

Mais tout de même, les subventions des universités, des établissements supérieurs publics en général, sont liées au nombre d’inscrits. Si un jour des MOOCs s’ouvrent dans le cadre d’établissements supérieurs français, c’est sans doute dans ces termes que la question se posera.

En attendant, nos amis américains se demandent comment monétiser une offre de type MOOCs. Quatre pistes sont détaillées dans l’article :

  • Vendre des certificats. On parle de quelques dizaines de dollars. C’est une rentrée possible, mais clairement insuffisante pour déclencher la joie des investisseurs ;
  • Se positionner en Chasseur de têtes pour permettre aux entreprises de recruter les meilleurs. Nettement mieux (on parle de 15 000 $ par recrutement), avec en bonus la possibilité de donner accès aux courbes de réussite. Par contre, cela ne marche que pour les entreprises privées, et reste aléatoire. En passant, on pourrait faire remarquer que cela ne permettra d’ouvrir que des cours dont les compétences sont directement monnayables, mais ce n’est visiblement pas le problème de nos analystes américains ;
  • Vendre services complémentaires : accès à la bibliothèque, tutorat, et autres aides pour apprendre … Là pour le coup, le marché de l’aide existe déjà en France. Mais cela ne vaut que pour des MOOCs qui proposeraient des cours classiques universitaires. Peut être pour ces entreprises peut on voir une possibilité d’offrir un service pour accéder aux MOOCs américains ;
  • et finalement, on pourrait envisager de proposer des événements pour les abonnés de type premium. Les auteurs imaginent de proposer cours, ateliers … dans les différentes villes du monde. Les professeurs se retrouveraient alors à aller donner des conférences aux quatre coins du mondes. Pourquoi pas, mais là l’avantage est du coté des universités qui ont développé une marque, comme le MIT ou Stanford.

Ces modèles sont intéressants car ils montrent bien l’imagination des américains pour explorer des modèles économiques viables. Il est d’aillerus amusant de voir que l’on ne parle que des MOOCs gravitant autour des universités les plus connues, pas des MOOCs plus ouverts dans leurs apprentissage. Trop libres sans doute.

Par contre, cela ne se transfère pas du tout de ce coté de l’Atlantique.Ce n’est pas grave, l’approche budgétaire n’est pas forcément centrale ici, puisqu’il existe d’autres modèles de diffusion. La question reste pour nous de trouver des modèles attractifs pour les participants, mais aussi de convaincre de la pertinence d’une telle approche ouverte.

 

Crédit photo : Heads up! par eltpics licence CC-by-nc

MITx l’initiative e-learning du MIT

Le MIT a annoncé le 19 décembre le lancement d’une initiative sur le online learning (apprentissage en ligne, souvent appelé par chez nous e-learning) appelée MITx.

L’objectif de cette initiative est de proposer un ensemble de cours en ligne sur une plate forme interactive :

  • permettant d’organiser et présenter des cours permettant aux étudiants d’apprendre à leur rythme ;
  • mettant en avant interactivité, expérimentations en lignes et communications entre étudiants ;
  • permettant l’évaluation individuelle du travail de l’étudiant et la délivrance de certificats délivrés par MITx ;
  • basée sur une infrastructure open-source, passant à l’échelle, qui soit extensible et utilisable par d’autres institutions.

Cette initiative va bien plus loin que l’Open Course Ware bien connue, puisqu’il s’agit :

  1. de proposer des certificats d’aptitude en ligne ;
  2. de proposer une plate-forme, un LMS, qui intégrera les derniers résultats de la recherche en éducation : tuteur en ligne, apprentissage automatique…

Elle semble largement basée sur l’automatisation des apprentissages, avec une dimension d’apprentissage entre pairs.

On s’achemine vers un modèle à la Open University où le contenu est disponible gratuitement en ligne (sous forme de ressources éducatives libres, puisque l’initiative OCW se poursuit) , mais (c’est une hypothèse car non spécifiquement écrit, mais réaliste vu les modèles économiques américains) dont l’obtention de crédits serait payante. Les universités en ligne se développent largement dans les pays anglo-saxons. Il n’y a pas grand monde dans le paysage français qui se positionne franchement à ce niveau pour l’instant. Nos amis québécois ont au moins la TELUQ. Nos universités thématiques, en ne se posant qu’en portail de contenu, ne s’associant ni équipes d’enseignement, ni équipes de recherche ne peuvent prétendre à prendre ce créneau.

En tout cas le MIT passe la vitesse supérieure et cherche à former des millions d’étudiants à travers le monde.

La plate forme devrait être lancée au printemps 2012.

 

PS : merci à Nicolas Jullien pour le lien

Crédit photo : MIT par Live, Love, Cupcakes, licence CC-by-nc-sa